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L’île de Chypre constitue un bon exercice pour qui s’interroge sur le caractère européen ou non d’un pays. Sa situation à proximité de la Turquie et du Proche-Orient conduirait logiquement à la rattacher à l’Asie. Or, tant du point de vue historique que culturel et politique, Chypre est devenue plus proche de l’Europe. Que ce soit sous Richard Cœur de Lion, sous l’autorité des Vénitiens, de Byzance, du roi franc Guy de Lusignan, ou même sous l’Empire ottoman puis britannique, l’héritage grec y a toujours survécu avec un fort sentiment d’appartenance à la Grèce. Son rattachement à ce pays fut la racine d’une guerre civile entre Chypriotes grecs et Chypriotes turcs, qui conduisit à la coupure de l’île en deux.

Si, au sud de l’île, on trouve aujourd’hui une population en grande majorité hellénophone au sein de la République de Chypre - seul État reconnu par la communauté internationale - au nord de l’île se trouve une population principalement turcophone sous l’autorité d’un Etat qui n’a été reconnu que par la Turquie.

Toutefois l’une et l’autre se revendiquent européennes et, alors que dans les manuels scolaires de géographie d’autrefois, les cartes de l’Europe n'allaient pas souvent assez loin vers l'Est pour y inclure Chypre, depuis son entrée dans l'Union européenne, les cartes de l'Europe ont été systématiquement étendues pour le faire.

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L'entrée possible de la Turquie dans l'Union Européenne pose la question de l’intérêt de cette limite traditionnelle entre l'Asie et l'Europe. Il s'agit bien d'une limite topographique voire géographique au regard de la cartographie mais s'agit-il d'une limite culturelle ? économique ? et quelle est son importance ?

La réponse est complexe car les territoires grecs, romains et surtout byzantins et ottomans ont façonné l’espace de part et d’autre du détroit. L'influence grecque s'est accentuée avec l'empire byzantin tandis qu'à la période ottomane, l'Empire ottoman a propagé sa culture et sa religion dans la partie européenne qu'il occupait, tout particulièrement en Bosnie-Herzégovine et en Albanie.

La ville d’Istanbul conserve les traces bien visibles de toutes ces strates culturelles et le Bosphore y constitue une « avenue naturelle » qui rassemble et, en même temps, facilite les multiples déplacements internes d’une immense agglomération dont la « rive européenne » apparaît la plus historique et, à ce titre, touristique, alors que la « rive asiatique » accueille les activités économiques les plus modernes dont cette ville a besoin pour faire vivre son abondante population.

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Dans le paysage, le détroit de Gibraltar marque nettement la limite entre l'Afrique et l'Europe mais, sur ces rives justement, il est possible de discuter le fait que le Maghreb n'ait rien à voir avec la culture européenne. En effet, la partie occidentale du Maghreb a été l'objet de la Reconquista, après la reprise de Grenade en 1492. C’est ce qui explique, encore aujourd'hui, le statut espagnol, des enclaves de Ceuta ou de Melilla. Quant à l'Andalousie, l'Algarve et le nord du Maroc, ces régions conservent nombre traits communs, outre leur nom d'origine arabe et les nombreux mariages mixtes réalisés entre les trois communautés (chrétienne, arabe et juive), sous la protection des dynasties d’origine marocaine, au temps d’Al Andalus jusqu'en 1492.

Mais l’histoire garde aussi le souvenir, encore plus lointain, et les vestiges d’une brillante civilisation romaine qui s’était installée durablement au sud de la Méditerranée après la destruction de Carthage. Et il ne sera pas nécessaire de remonter à ces mystérieux Ibères, dont les descendants sont finalement devenus Espagnols, Portugais et Berb ères, pour comprendre que l'Afrique du Nord, en tant que « berceau de la latinité chrétienne » ait été considérée par les anthropologues et du XXe siècle comme faisant partie de « l'Europe anthropologique ». On peut y trouver l’une des multiples raisons qui ont conduit le Maroc à demander son adhésion à l'Union européenne en 1984.