“The morning was glorious. It was the eighth of May, the seventeenth day after we left Hamburg. (…) Before the ship had fully stopped, the climax of our joy was reached. One of us espied the figure and face we had longed to see for three long years. In a moment five passengers on the "Polynesia" were crying, "Papa," (…) What followed was a slow torture (…) Oh, dear! Why can't we get off the hateful ship? Why can't papa come to us?
Each person was asked a hundred or so stupid questions, and all their answers were written down by a very slow man. The baggage had to be examined, the tickets, and a hundred other things done before anyone was allowed to step ashore (…) Now imagine yourself parting with all you love, believing it to be a parting for life; breaking up your home, selling the things that years have made dear to you; starting on a journey without the least experience in travelling, in the face of many inconveniences on account of the want of sufficient money; being met with disappointment where it was not to be expected; (…) being mistrusted and searched, then half starved, and lodged in common with a multitude of strangers; suffering the miseries of seasickness, the disturbances and alarms of a stormy sea for sixteen days; and then stand within, a few yards of him for whom you did all this, unable to even speak to him easily. How do you feel?
Oh, it's our turn at last! We are questioned, examined, and dismissed! A rush over the planks on one side, over the ground on the other, six wild beings cling to each other, bound by a common bond of tender joy, and the long parting is at an END.”
Traduction en français
« C’était une radieuse matinée. Nous étions le 8 mai, dix-septième jour après notre départ de Hambourg (…) Avant même l’arrêt complet du bateau, notre joie atteignait son paroxysme. L’un d’entre nous avait repéré la silhouette et le visage que nous brûlions de revoir depuis trois ans. En un instant, cinq passagers du Polynesia, perdant complètement la tête, se mettaient à hurler « Papa ! » ( …)
Ce qui a suivi a été une lente torture (…) Mon Dieu ! Pourquoi ne nous laisse-t-on pas quitter cet affreux bateau ? Pourquoi papa ne peut-il pas nous rejoindre ? (…) Chaque passager se voyait poser une centaine de questions idiotes dont toutes les réponses étaient copiées par un homme extraordinairement lent. Chacun devait présenter ses bagages, son billet et faire cent autres choses avant d’être autorisé à fouler la terre ferme (…)
A présent, imaginez-vous quittant tout ce que vous aimez, dans l’idée que c’est pour toujours ; dépeçant votre foyer en vendant tout ce que les années vous avaient rendu cher ; entreprenant une traversée sans la moindre expérience du voyage ; confronté aux désagréments du manque d’argent, à des déboires que vous n’attendiez pas (…) suspecté, fouillé, puis à demi affamé et entassé avec une multitude d’inconnus ; endurant pendant seize jours les souffrances du mal de mer, le tumulte et les frayeurs d’une mer en furie ; et ensuite, imaginez-vous immobilisé à quelques mètres de celui pour qui vous avez supporté tout cela, incapable ne serait-ce que de lui parler. Comment vous sentez-vous ?
Enfin, c’est notre tour ! Nous sommes interrogés, examinés, libérés ! Au terme d’une course précipitée, d’un côté sur les planches du pont, de l’autre sur la terre ferme, six êtres fous d’allégresse s’agglutinent les uns aux autres, unis par une tendre joie, et la longue séparation touche à sa FIN. »
Traduction en français (in Nancy Green, L’odyssée des émigrants Et ils peuplèrent l’Amérique, Découvertes Gallimard, 1994).
Présentation
Mary Antin (1881-1949) quitte en 1894 la ville de Plotzk où les Juifs sont persécutés. Elle rejoint avec sa famille, son père déjà installé à Boston, mais après le long et pénible voyage, avant de débarquer, il lui faut subir les formalités administratives.
Ce texte a été rédigé par Mary Antin alors qu’elle avait treize ans. Il é été publié en 1899 aux Etats-Unis.